Selon Méphisto dans le Faust de Goethe, la DOULEUR est ; Est-ce une partie inévitable de l’existence humaine, un outil de manipulation et une réalité dans une relation dialectique avec le plaisir ?
Méphisto est un personnage du Faust de Goethe qui, en tant que figure démoniaque, questionne les aspects sombres de la nature humaine, ses désirs et ses limites.
- La douleur est un reflet inévitable de la nature humaine
Pour Méphisto, la douleur est une composante fondamentale de l’existence humaine ; Ce n’est ni une épreuve divine ni une bénédiction divine, mais simplement le résultat naturel des désirs, des limites et des contradictions de l’homme. Dans Faust, Méphisto soutient que l’homme est dans un état constant d’insatisfaction. Par exemple, Méphisto voit le conflit intérieur de Faust, dans lequel il dit « Deux âmes résident dans ma poitrine », comme une opportunité. La souffrance, dans ce contexte, est le produit inévitable de la collision du désir de l’homme pour l’infini (connaissance, plaisir, pouvoir) dans un monde fini.
D’un point de vue philosophique, la vision de la douleur de Méphisto est porteuse d’un pessimisme qui se rapproche de la philosophie de la volonté de Schopenhauer. Comme le concept de « volonté » de Schopenhauer, Méphisto implique que le désir inépuisable de l’homme (Wille) donne naissance à la souffrance. Cependant, contrairement à Schopenhauer, Méphisto ne voit pas cette souffrance comme une recherche de salut, mais comme une réalité dans laquelle l’homme doit embrasser sa propre nature. Selon lui, la douleur est le prix à payer pour repousser ses propres limites ; Éviter de payer ce prix, c’est rejeter la vie elle-même. L’accord que Méphisto propose à Faust est un reflet concret de cette philosophie : on ne peut atteindre le plaisir et la connaissance sans prendre le risque de la douleur.
- La douleur est un outil de manipulation et de transformation
L’approche de la douleur de Méphisto est également pragmatique ; la douleur est un outil pour lui. Tout au long de Faust, Méphisto utilise la douleur intérieure de Faust (absurdité, insatisfaction, vide existentiel) comme levier. La plainte de Faust : « Ni les choses divines ni les choses terrestres ne me satisfont », ouvre la porte à Méphisto pour le séduire. Méphisto sait que la douleur est une faiblesse humaine, et il utilise habilement cette faiblesse pour persuader Faust de poursuivre ses propres désirs.
D’un point de vue philosophique, cette approche de Méphisto recoupe dans une certaine mesure le concept de « volonté de puissance » (Wille zur Macht) de Nietzsche. Pour Méphisto, la douleur est une arène dans laquelle l’homme teste sa propre force et ses limites. Cependant, contrairement à Nietzsche, Méphisto oriente ce pouvoir non pas vers un idéal moral ou créatif, mais vers le plaisir et l’épanouissement individuel. Aux yeux de Méphisto, la douleur est un catalyseur qui permet à une personne de se transformer en repoussant ses limites existentielles. Par exemple, la relation de Faust avec Gretchen et ses conséquences tragiques sont une indication de la façon dont Méphisto entraîne Faust à la fois vers le plaisir et la destruction par la douleur. Méphisto n’utilise pas la douleur comme un « enseignant » mais comme un « tentateur ».
- La douleur est dépourvue de sens divin
La position philosophique de Méphisto s’oppose à la tendance de la théologie chrétienne à considérer la souffrance comme un moyen de salut ou de purification. Au début de Faust, dans le dialogue de Méphisto avec Dieu (Prologue au Ciel), nous voyons une attitude sarcastique envers l’univers et l’humanité. Selon lui, la souffrance humaine ne fait pas partie d’un plan divin mais est simplement le reflet de la nature chaotique et dénuée de sens de l’univers. Méphisto trouve ironique que Dieu défende un ordre qui fait souffrir les gens, et voit la tentative de l’homme de donner un sens à cette souffrance comme une illusion naïve.
Cette perspective est comme un précurseur de la philosophie existentielle. Semblable au principe de Sartre selon lequel « l’existence précède l’essence », pour Méphisto, la souffrance surgit dans un vide où l’homme doit créer son propre sens. Cependant, Méphisto attribue cette création de sens non pas à un idéal moral ou spirituel, mais à la satisfaction de désirs individuels. Pour lui, la douleur n’est ni une punition pour le péché, ni une récompense pour la vertu ; Il s’agit simplement d’un stimulus, d’une force motrice permettant à l’homme de tracer sa propre voie.
- Dialectique entre douleur et plaisir
L’interprétation la plus frappante de la douleur par Méphisto réside dans sa relation dialectique avec le plaisir. Tout au long de Faust, Méphisto promet du plaisir à Faust, mais ce plaisir est toujours mêlé de douleur. Par exemple, la passion de Faust pour Gretchen est au départ une source de plaisir, mais se transforme finalement en douleur avec la fin tragique de Gretchen et les remords de Faust. Méphisto utilise cette dialectique consciemment ; car, pour lui, le plaisir et la douleur sont deux aspects indissociables de l’expérience humaine.
Philosophiquement, cette approche de Méphisto peut être lue comme une référence à la philosophie dialectique de Hegel. Chez Hegel, les contraires (thèse et antithèse) se combinent pour réaliser une synthèse. Pour Méphisto, le plaisir et la douleur ne conduisent pas à une synthèse, mais à une tension constante dans le cycle existentiel de l’homme lui-même. Cette tension est à la base du commentaire sarcastique de Méphisto sur la nature humaine : l’homme ne peut ni trouver une satisfaction complète dans le plaisir ni échapper complètement à la douleur. Méphisto place cette tension devant Faust comme un miroir.
- L’attitude ultime de Méphisto face à la douleur : le sarcasme et l’indifférence
L’approche ultime de Méphisto face à la souffrance est celle de l’indifférence cynique. Pour lui, l’effort de l’homme pour donner un sens à la souffrance (par exemple, la quête de la vérité divine par Faust ou la souffrance morale de Gretchen) est un effort futile. Bien que Méphisto ne parvienne pas à prendre l’âme de Faust à la fin de Faust, il tire une satisfaction sarcastique de son voyage de souffrance. Cela montre que Méphisto ne glorifie ni ne méprise la souffrance ; Pour lui, la douleur est un détail dans le jeu chaotique de l’univers.
Cette attitude reflète un nihilisme proche de la philosophie absurde de Camus. Comme le Sisyphe de Camus, Méphisto trouve absurde la quête de sens de l’homme dans un monde plein de souffrance. Cependant, contrairement à Camus, Méphisto n’affronte pas cette absurdité par la rébellion ou l’acceptation, mais par une manipulation cynique. Pour lui, la douleur est une scène qui révèle la faiblesse et les contradictions de l’homme lui-même ; Méphisto est à la fois l’acteur et le metteur en scène de cette scène.