Comment le roman d’Umberto Eco « Le Nom de la rose » relie-t-il la répression du rire au Moyen Âge à la censure à l’époque moderne ?
Le roman d’Umberto Eco, Le Nom de la rose, établit un lien philosophique profond entre la suppression du rire au Moyen Âge et les mécanismes de censure à l’époque moderne. Ce lien est façonné par les thèmes du désir du gouvernement de contrôler la vérité, de la régulation de l’information et de la suppression de la liberté de pensée. En se concentrant sur le système de pensée scolastique du Moyen Âge, le roman révèle pourquoi le rire était perçu comme une menace et comment cette suppression impliquait une violence épistémologique similaire à la censure moderne.
- Le rire comme menace épistémologique
Dans le roman d’Eco, l’acte de rire apparaît comme un concept qui aurait été abordé dans le deuxième livre perdu de la Poétique d’Aristote. Jorge de Burgos caractérise le rire comme « le déni de la Vérité » car il sape le sérieux de l’autorité, ridiculise la hiérarchie et déstabilise les significations fixes. Au Moyen Âge, l’Église voulait monopoliser la vérité ; Le rire, en revanche, a le pouvoir d’ébranler les fondements du pouvoir en relativisant cette vérité. C’est ici qu’entre en jeu le concept de Régime de Vérité de Michel Foucault : le pouvoir assure l’ordre social en imposant une certaine version de la vérité. Le rire menace le contrôle du pouvoir en parodiant cette vérité imposée.
- Origines scolastiques de la censure moderne
Le roman montre comment le contrôle de l’information au Moyen Âge s’apparente à la censure moderne. Jorge restreint l’accès à l’information en transformant la bibliothèque en un labyrinthe, un peu comme les gouvernements ou les institutions modernes archivent, classent et censurent l’information. Ici, Eco implique que la mentalité biblioclastique (destructrice de livres) du Moyen Âge a évolué vers les systèmes bibliocratiques (de contrôle des livres) de l’ère moderne. Le dogmatisme rigide de la pensée scolastique est parallèle à l’absolutisme des idéologies modernes. Par exemple, les régimes totalitaires maintiennent également leur pouvoir en supprimant l’humour et la pensée critique.
- La dialectique entre le rire et la liberté
Eco présente le rire comme un acte de libération. En interdisant le rire, les régimes oppressifs empêchent les gens d’interpréter le monde de manière alternative. Cela ressemble à la « répression du rejet particulariste » dont parle Herbert Marcuse dans L’Homme unidimensionnel : l’humour et l’ironie ont le potentiel de briser la structure totalitaire du système. L’incendie de la bibliothèque à la fin du roman symbolise l’incontrôlabilité du savoir, tout comme la censure est contournée à l’ère moderne grâce aux contrefaçons numériques.
La nature immuable de la censure
Dans Le Nom de la Rose, Eco présente la suppression du rire comme un exemple universel de la tentative du gouvernement de monopoliser la vérité. La continuité entre les dogmes religieux du Moyen Âge et les appareils idéologiques modernes montre que la censure est une constante historique. En soulignant le pouvoir révolutionnaire du rire, le roman soutient que la résistance contre les systèmes oppressifs n’est possible que par la libération de la pensée. Le message philosophique d’Eco est le suivant : la vérité brille dans les yeux de ceux qui rient, car le rire détruit le sérieux du pouvoir et détruit son arrogance.